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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/79

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GLORIANE

se trouva dans une plaine herbeuse qui monte en pente douce vers les remparts noirs et verts de la ville. Aucun arbre. On voyait se dresser, droits sur l’horizon, les deux poteaux énormes d’un pont-levis, d’où pendaient des chaînes. Elle s’arrêta au milieu de la plaine, devant une petite bâtisse carrée, basse, à deux croisées seulement, façade qui se déplâtre, toiture en chaumes de maïs échevelés par le vent. C’était une maison terne, grise et laide ; mais des rideaux d’un rouge vif ensanglantaient les fenêtres.

Avant d’entrer, la femme se retourna ; Brascassou put la regarder de tout près.

Étroitement enveloppée, plutôt que vêtue, d’une robe de soie grise, mince étoffe luisante et miroitante qui s’adaptait sans plis aux rondeurs dures de la gorge et des flancs, et serrait bien les chairs comme une autre peau sur la peau, elle était véritablement d’une beauté glorieuse, avec son épaisse chevelure d’or presque vermeil, ses grands yeux d’un bleu net et profond, plus vides que l’azur des lacs, son nez courbe dont les narines charnues se rebroussaient pour humer fortement, et sa bouche aux lèvres de sang, pareille à un gros fruit de pourpre crue, sa bou-