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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/84

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LE ROI VIERGE

du nez ! » Don José penchait le cou, se laissait retrousser le nez, avec un sourire de hautaine condescendance. Enfin Brascassou prit son courage à deux mains, comme on dit. Après s’être excusé de son mauvais espagnol, il expliqua qu’il était arrivé le matin même à Pampelune, qu’il avait rencontré dans la rue une femme fort singulière, d’une grande beauté, blonde, presque rousse, et il ajouta qu’il serait curieux d’apprendre… Don José poussa un cri ! le rasoir avait pénétré dans la peau du menton, où une rougeur de sang se mêlait à la mousse. Alors le barbier fit peine à voir, véritablement ; il balbutiait, se prenait les cheveux à pleines mains, voulait se couper la gorge avec le fatal acier ! « Et pourtant ce n’était pas sa faute si sa main avait tremblé ; avait-il pu rester maître de lui-même en entendant parler de la Frascuèla, de cette exécrable et démoniaque créature, dans sa propre maison, en présence de don José, en présence de l’alcade ! » Tourné vers Brascassou, il roulait des yeux furibonds, tout luisants de haine, et brandissait le rasoir, qui étincela avec un air de colère aussi. L’alcade voulut bien s’interposer. Il dit avec un regard de bonté et d’une