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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/89

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GLORIANE

thèse venue, à tenir pour bonne une explication quelconque, par la seule raison qu’elle est simple. À sa place, bien des gens se seraient dit : « Bon ! une belle fille à qui l’on en veut parce qu’elle est blonde et qu’elle manque de préjugés ! » Non, il sentait qu’il y avait autour de la Frascuèla des haines, des réprobations d’une espèce particulière, très différentes de celles que s’attirent les courtisanes banales ; comme il avait flairé en elle une rare créature, imprévue, anormale, peut-être admirable, peut-être effrayante. Il y a des réalités qui ressemblent à l’impossible ; les monstres existent. En même temps, quoiqu’il ne fût point sujet aux pressentiments, il éprouvait l’intuition vague d’une entente probable, d’un accord prochain entre la Frascuèla, forte et terrible, et lui, chétif et subtil ; le renard pourrait être utile au lion ; le requin se laisse guider par ce petit poisson appelé le pilote.

Dès que ce fut le soir, il s’engagea dans l’étroite ruelle, entre les deux longs murs. Il eut un étonnement : il avait été frôlé par une robe de prêtre, qui se hâtait et le devança. « Hein ? » Mais il ne donna pas grande attention à cette rencontre. Il marchait dans l’ombre, en tâtant