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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/91

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GLORIANE

venues de divers points de la ville, éparses, mais toutes se dirigeant vers un but unique, semblait-il. Les lignes décrites par ces promeneurs nocturnes imitaient les branches espacées d’un éventail ouvert, qui convergent vers la charnière ; et le point de concentration, c’était la masure de la Frascuèla, où les croisées éclataient toujours, pareilles à du feu vu à travers du sang. « Millo-dious ! » dit Brascassou stupéfait. D’ailleurs, ces hommes, comme par une convention antérieure, n’avaient pas l’air de s’apercevoir l’un l’autre. Ils allaient, directs et isolés. Pas une parole, pas un signe visible. Brascassou entendait seulement, dans le grand silence, des bruits de pas, qu’assourdissait le gazon, et des souffles pressés, presque haletants, bien que les marcheurs avançassent avec lenteur, avec précaution même, courbés, ayant l’air de suivre une piste et comme prêts à bondir soudain. « Ah ! bah ! Ah ! bah ! » répétait Brascassou, d’autant plus étonné que, ses yeux s’étant habitués à l’ombre, il avait cru reconnaître, dans un homme à sa gauche, le barbier de la grande place, et l’alcade don José dans un homme à sa droite.

Il y eut, à la même seconde, chez tous les