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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/98

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LE ROI VIERGE

tait un vif besoin de revenir, — non du ciel, mais de l’enfer, — sur terre ; et il essaya de rompre le sombre enchantement par une parole bien simple, bien vulgaire, qu’il avait dite vingt fois en d’autres rencontres : « Frascuèla, est-ce que tu ne veux pas me raconter ton histoire ? »

Elle le regarda dans les yeux, étonnée.

— Bah ! est-ce que j’ai une histoire, ou, si j’en ai une, crois-tu que je m’en souvienne ? J’ignore d’où j’arrive comme j’ignore où je vais. Je sais ce que je fais, voilà tout. J’oublie l’ivresse d’hier dans l’ivresse d’aujourd’hui. Que m’importe le passé ! Ma vie n’a pas besoin de résurrections.

Mais, en disant cela, elle avait l’air de songer ; elle reprit brusquement :

— Tiens, je tâcherai pourtant de te raconter mon histoire, puisque tu en es curieux ! Je n’avais jamais cherché à me souvenir ; j’essaierai. Tu me donnes ce soir la fantaisie de me connaître moi-même, de me comprendre. Cela me divertira peut-être. J’ai lu d’autres romans ; pourquoi le mien ne m’intéresserait-il pas ? Un livre qu’on n’oserait pas écrire, sans doute. Enfin, nous