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LES PETITES-SŒURS DES PAUVRES.

donne asile à de misérables vieillards ; les infirmes, les hommes ou les femmes, redevenus enfants, sont reçus là gratuitement. On les loge, on les nourrit, on les vêt, et puis on prie pour eux. Les vieillards sont contents et le bon Dieu aussi.

Hier soir, on commençait à dormir dans la communauté. On avait couché les pauvres vieux, on avait fait son devoir, on dormait, lorsqu’un coup de feu retentit à la porte de la maison.

Vous vous imaginez la terreur. Les Petites-Sœurs des pauvres n’ont pas coutume d’entendre ce bruit-là si près de leurs oreilles. Ce fut un tumulte, un brouhaha, on se leva à la hâte, et dans les grands dortoirs, les vieillards, tirant leurs têtes de dessous les couvertures, se regardent les uns les autres avec un air étonné.

Cependant on est allé ouvrir la porte. Une centaine d’hommes menaçants se précipite à l’intérieur ; ils ont des sabres et des fusils, ils font un vacarme de démons. Il y en a un, le chef, qui a une grande barbe et qui parle d’un ton terrible. Les Petites-Sœurs se groupent toutes tremblantes autour de la supérieure.

— Fermez les portes, crie le capitaine, et si une seule de ces femmes fait mine de vouloir s’échapper, une, deux, trois, faites feu !

Alors la Bonne Mère — c’est la supérieure qu’on appelle ainsi — fait un pas en avant et demande :

— Qu’est-ce que vous voulez, messieurs ?

— Dites citoyens, sacrebleu ! »

La Bonne Mère fit le signe de la croix et reprit :

— Qu’est-ce que vous nous voulez, mes frères ?

Ah ! si le citoyen Rigault, qui a si spirituellement