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LES FRANCS-MAÇONS.

LXIII.

J’étais presque décidé à ne pas continuer ces notes. Fatigué, navré, je suis resté deux jours sans sortir, voulant ne rien voir, ne rien savoir, m’enfonçant dans des lectures, me reprenant à de chers travaux ; mais je n’ai pu y tenir plus longtemps. Il est dix heures du matin, je vais, je cours, je m’informe. Que de choses ont pu se passer en deux jours !

Une foule très-agitée stationne au coin des rues qui débouchent dans la rue de Rivoli, non loin de l’Hôtel de Ville. On attend, sans nul doute. Qu’attend-on ? Des bruits vagues, mais presque tous empreints d’un espoir de paix et de conciliation, circulent parmi les groupes, où les femmes sont nombreuses.

« — Ah ! s’ils s’en mêlent, nous sommes sauvés ! » dit une ouvrière qui tient à la main un petit garçon habillé en garde national.

« — Qu’est-ce donc ? » lui demandé-je.

« — Eh ! monsieur, ce sont les franc-maçons qui se mettent de la Commune. Depuis que le monde est monde, ils ne se sont jamais montrés, et voilà qu’ils vont traverser Paris devant nous ! Il faut bien que la Commune ait raison, puisqu’ils se dérangent pour elle. »

« — Les voilà ! les voilà ! » s’écrie le petit garçon, en tirant sa mère de toutes ses forces.

Les voitures se rangent, la foule se serre de plus en plus en avançant sur la chaussée ; des tambours lointains bat-