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LE CORTÉGE ET LA FOULE.

tent aux champs, une musique de cuivres entonne la Marseillaise, et derrière elle apparaissent d’abord cinq officiers d’état-major, puis six membres de la Commune, ceints d’écharpes rouges frangées d’or. Je crois reconnaître parmi eux les citoyens Delescluze et Protot.

« — Ils vont à l’Hôtel de Ville, » dit un garçon boucher qui soutient d’une main un panier de viande sur sa tête, tandis que de l’autre il fait des signes enthousiastes à deux camarades placés de l’autre côté de la rue. « Je les ai vus se réunir ce matin à la place du Carrousel, avec leurs bannières, c’était beau, allez ! Et puis, ce bataillon que vous voyez, avec sa musique, est venu les prendre. À présent, ils vont saluer la République ; il faut les suivre. En avant, marche ! » Et le garçon boucher, la femme au petit garçon, moi et toute la foule, nous suivons les huit à dix mille membres de la franc-maçonnerie parisienne qui remplissent la rue de Rivoli.

En avant et en arrière du cortège, je remarque une foule de gens sans armes, vêtus d’une espèce de pantalon de zouave en drap gros bleu, de guêtres blanches, de ceintures blanches et de vestes bleues. Ils sont presque tous nu-tête. On me dit que ce sont les « tirailleurs de la Commune. »

Je vois flotter, bien en avant de nous, les curieux, une grande bannière blanche, portant une inscription que je ne puis lire à cause de la distance ; mais le garçon boucher l’a vue, lui ! Il y a dessus « Aimez-vous les uns les autres, » à ce qu’il paraît. Heureux francs-maçons ! que d’illusions ils conservent ! « Tolérez-vous les uns les autres » serait à peine pratique !

Nous avançons toujours. Sur le passage du cortège,