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OÙ SONT LES CHEFS ?.

avec les citadins, sur le seuil des maisons. Au loin, on entend la résistance désespérée de Belleville et de la Villette ; à chaque pas, au ras des habitations, de longues taches blanches et carrées apparaissent : ce sont les soupiraux des caves qui ont été murés. De longues files de prisonniers, parmi lesquels des femmes en furie et des enfants, passent, les mains liées derrière le dos, entre les chaussées du boulevard, et sont dirigés sur Neuilly. La nuit vient. Pas un bec de gaz n’est allumé. Les rues se font désertes à mesure que le ciel se fait sombre. À neuf heures, la solitude. Au loin, le bruit d’une grosse de fusil qui tombe sur un trottoir. Çà et là une sentinelle, et les lumières se font rares derrière les fenêtres.

XCIX.

Les heures, les jours s’écoulent et se ressemblent affreusement. Écrire l’histoire de ces calamités n’est pas encore possible. Chacun ne voit qu’un coin du tableau, et les récits qu’on recueille sont indécis ou contradictoires. Ce qui paraît probable, c’est que l’insurrection touche à sa fin. On disait que le fort de Montrouge était pris ; il lance encore des obus sur Paris. Il vient d’en tomber plusieurs dans le quartier de la Banque. On se bat encore aux Halles, au Luxembourg, à la Porte-Saint-Martin. Ni la canonnade ni la fusillade n’ont cessé, les oreilles se sont accoutumées à ce tonnerre continu. Mais malgré l’héroïsme barbare des fédérés, les forces de la résistance s’épuisent. Que sont devenus les chefs ?