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FUSILLADES.

J’écris ce qu’on me raconte. Assy a été pris aux environs du nouvel Opéra. Il faisait une ronde : il était presque seul.

— Qui vive ? cria une sentinelle.

— Vous auriez dû crier plus tôt, dit Assy, croyant avoir affaire à un fédéré.

Il fut enveloppé, saisi, désarmé, emporté ; mais cette histoire est peu vraisemblable. Assy ne savait pas que l’Opéra était au pouvoir des Versaillais !

De Delescluze, on dit qu’il a fui ; de Dombrowsky, qu’il est mort dans une ambulance ; de Millière, qu’il est prisonnier à Saint-Denis ; ces bruits circulent, dénués de preuves. Ce qui est certain, c’est qu’on fouille de toutes parts ; aux abords de la ruine fumante qui a été l’Hôtel de Ville, on a pris le citoyen Ferraigu, inspecteur des barricades ; il a avoué qu’il avait reçu du Comité de salut public des ordres particuliers pour incendier le magasin du Bon-Diable. L’un de ces Messieurs, commis autrefois, avait-il eu à se plaindre de son patron ? Ferraigu avait du pétrole dans sa poche ; on l’a fusillé. On affirme qu’au théâtre du Châtelet, un conseil de guerre est établi sur la scène. On amène les fédérés, vingt par vingt ; on les condamne ; conduits sur la place, les mains liées derrière le dos, on leur dit : « Tournez-vous. » À cent pas, il y a une mitrailleuse ; ils tombent vingt par vingt. Méthode expéditive. Dans une cour, rue Saint-Denis, il y a une écurie remplie de cadavres ; j’ai vu cela de mes propres yeux. Le théâtre de la Porte-Saint-Martin est en ruine ; un poste est établi près des décombres. On a fusillé là, ce matin, trois pétroleuses ; on voit encore les cadavres sur le boulevard. Je regarde passer, entre quatre soldats, deux insurgés : l’un vieux,