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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/19

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LES OISEAUX BLEUS

presque en bouton encore, avec une longue tige épineuse.

Comme je passais, hier soir, à travers la foule, je vis, dans la grisaille de la fange, une petite rougeur pâle qui était cette fleur morte ; tout de suite je devinai quel avait été le sort de l’églantine, triomphante, puis mélancolique, pendant la journée de plaisir et de folie : elle était là maintenant, souvenir, entre deux petits tas de boue, comme entre deux feuillets d’un livre, déjà flétrie, charmante encore, relique souillée et parfumée. J’eus la pensée de la ramasser, de la conserver ; savais-je si je n’y retrouverais point l’odeur qui m’est chère entre toutes, l’odeur que j’ai aspirée, une seule minute, de mes lèvres rapides, sur le bout d’un petit doigt ganté, dans l’antichambre, après le thé de cinq heures, tandis que l’on remet les manteaux ? Et puis, cette rose, c’était tout ce qui restait de la gaieté d’une heure, de la promenade enrubannée et fleurissante, où Paris avait imité la fantaisie et les rires d’un Corso d’Italie. Le poète qui passe a pour devoir de recueillir ce