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Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/52

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suppression et proscription d’un nombre très-considérable de mots très-expressifs et très-énergiques, qui ne sont point remplacés. Une fausse délicatesse, un caprice, un engouement vif et rapide ont été cause de ces bannissemens. Il y a des mots qu’on a rejetés, parce que les poètes comiques s’en sont servis dans un sens défavorable.

Laurent, serrez ma haire avec ma discipline,
Et priez que toujours le ciel vous illumine !

Voilà un verbe ridiculisé ; ô suave merveille du même poète ! suave et suavité sont mis hors de la langue.

Bellement, bellè, proscrit, et pourquoi ? Il y a un proverbe qui dit : qui a faim ne peut manger bellement ; expression naïve ; dites agréablement, vous direz mal.

S’il n’y a point de langue assez féconde pour fournir autant de mots différens que nous avons de différentes pensées à exprimer, l’on ne risque donc rien d’avoir une palette riche en couleurs, et je me suis mis à arranger la palette. Voilà des couleurs toutes broyées, mais c’est de leur mélange heureux que l’écrivain fera sortir son tableau : elles doivent paraître crues avant d’avoir