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Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/56

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Le savant Malezieux disait que les Français n’avaient point la tête épique ; il aurait dû dire que les Français n’ont point la langue épique. Notre poésie est assujétie à un joug monotone. L’hémistiche renfermé dans une mesure constante, devient assommant. Cette langue, si belle dans la prose, perd toute sa liberté sous le travail du versificateur. Il est impossible, lorsqu’on connaît la versification latine, italienne et anglaise, de supporter la lecture des vers français. Diminuer le nombre des versificateurs[1], c’est

    brave le bavardage académique. La langue est à celui qui sait la faire obéir à ses idées. Laissez la langue entre les mains de nos feuillistes, folliculaires, souligneurs, elle deviendra nigaude comme eux. Donnez-vous la peine d’orienter la carte de la littérature, pour en désigner le midi et le septentrion, c’est-à-dire, les gens de lettres d’un côté, qui produisent des ouvrages, qui creusent les idées, qui vont en avant, et de l’autre, les jugeurs, impuissans à créer, et qui sont les dignes objets de la risée publique. Que reste-t-il de toute la scolastique de l’abbé Desfontaines jusqu’à celle de nos jours ? C’est du langage sorbonique littéraire, rien de plus.

  1. Qui n’aurait pitié de tous ces jeunes gens perdus, abymés dans la versification française, et qui