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Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/57

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s’intéresser à la gloire des vrais poètes.

L’on me reprochera peut-être d’avoir inventé les mots Lockistes, Lockiens ; je m’y suis attendu et je l’ai fait à dessein.

    s’éloignent d’autant plus de la poésie ! Je suis venu pour les guérir, pour dessiller leurs yeux, pour leur donner peut-être une langue poétique ; elle tiendra au développement de la nôtre, d’après son mécanisme et ses anomalies. Médecin curateur, je veux les préserver de la rimaille française, véritable habitude émanée d’un siècle sourd et barbare ; monotonie insoutenable, enfantillage honteux, qui, pour avoir été caressé par plusieurs écrivains, n’en est pas moins ridicule. La prose est à nous ; sa marche est libre ; il n’appartient qu’à nous de lui imprimer un caractère pins vivant. Les prosateurs sont nos vrais poètes ; qu’ils osent, et la langue prendra des accents tout nouveaux : les mots, les syllabes mêmes ne peuvent-ils pas se placer de manière que leur concours produise l’effet le plus inattendu ? Nos constructions ne sont pas aussi rigides qu’on a voulu le persuader : je le prouverai dans le Traité que j’annonce. Les athlètes ne montraient toutes leurs forces que lorsqu’ils paraissaient presque nus dans l’arène ; et nous, nous n’avons pas encore osé dévoiler l’ossature de notre langue : c’est notre timidité qui fait tout l’orgueil de nos voisins.

    À ce mot d’ossature, tous nos versificateurs pâlissent ; ils le comprennent fort bien, ce mot ; ils