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Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/59

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à quelques idées ; quelle plus grande extravagance que de placer nos idées et nos sentimens dans la sensibilité physique, puisque c’est-là précisément la question, et que cette sensibilité elle-même est inconcevable dans ses organes incapables de sentir par eux-mêmes. N’a-t-il donc pas fallu créer des mots nouveaux pour livrer au ridicule ces

    contexture de notre langue, en la refesant sans la décomposer ; examiner l’ordre et la génération des idées intellectuelles, pour courir aussi rapidement qu’elles ; voilà un beau dessein, et qui mérite du moins qu’on lui laisse sa marche et son développement.

    A-t-on jamais voulu donner des bornes aux moyens imitateurs puisés dans la pantomime ? Si la langue des signes a une si grande latitude dans toute l’expression physique du corps, comment osez-vous resserrer le signe écrit, et l’atténuer, lorsque j’en ai le plus grand besoin ? Assurons à nos écrivains la liberté d’enchaîner tout à-la-fois et des expressions toutes nouvelles, et des inversions hardies ; nous en verrons naître un coloris plus animé, une plus grande harmonie. Ne se plairait-on que dans le travail et la gêne ? La difficulté vaincue sera-t-elle le premier mérite ? Une singulière adresse tiendra-t-elle lieu des sublimes beautés de la poésie ? Chercherons-nous enfin un vain plaisir dans une admiration stérile ? Quant à moi, je souris de voir s’accréditer des licences qui tourneront à la plus grande gloire de la langue ;