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Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/58

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Comment ne pas se moquer de la poupée de Condillac, lorsqu’on soutient qu’elle peut en quelques circonstances s’ouvrir sans ame à certaines sensations, et sans esprit,

    sentent qu’ils ont été de misérables galériens, sillonnant une mer rebelle, tandis qu’ils auraient pu jouir d’une langue sans gêne, et qui se prêtât aux scènes éternelles et variées du grand théâtre du monde.

    Mais la sottise un jour, sous le masque de la rime, est entrée dans le palais de l’imagination : son œil hébété ne put suivre la rapidité des images qui l’environnaient ; chargée de richesses factices, elle n’a retenu que le mot de passe, qui l’a introduite dans ce palais ; elle y est, elle y sera encore quelque temps : elle marche en cadençant ses hémistiches ; elle sourit niaisement à ses ritournelles. Nous l’apercevons, nous la distinguons à son pas symétrisé ; mais nous multiplierons nos féeries, comme si elle n’y était pas.

    Cependant que fais-je, en cherchant à délivrer le versificateur français de pénibles et ridicules entraves ? il se soulevera contre moi. C’est ainsi que le fiévreux, dans son délire, veut battre son médecin. J’ai guéri cependant deux ou trois jeunes gens, de la tragédie française ; ils ont lu mon Essai sur le Théâtre, imprimé en 1773 ; ouvrage traduit en plusieurs langues, et qui a fait dire aux étrangers que j’étais le seul homme en France qui, sur cet article-là, eût eu le sens commun. Pauvre La Harpe ! tu n’y comprends rien, toi ; tant mieux pour le livre.

    Remanier, en quelque sorte, tout ce qui forme la