Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome I, 1782.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 218 )

des riches : ils enlevent tout, & il faut ensuite que le pauvre se dispute le fretin. La concurrence soutient ce reste vil presqu’au même prix que ce qu’il y avoit de meilleur.

Il faut par-tout aujourd’hui des entrées & des entremets à profusion, & l’on ne mange pas le quart de ce qui est servi. Tous ces plats coûteux sont dévorés par la valetaille. Un laquais est beaucoup mieux nourri qu’un petit bourgeois. Celui-ci n’ose toucher à la marée ; il en respire l’odeur, & voilà tout. Les valets de monseigneur sont rassasiés de bonne chere.

Quand les maîtres-d’hôtels ont pris dans de larges hottes tout ce qui leur convient, les servantes arrivent avec leurs tabliers ; c’est un débat éternel. Ce qui se vend par fragmens, se vend trois fois plus cher, chaque petit ménage rivalisant avec son voisin. Les poissardes font la loi ; si l’on veut dîner, il faut payer ce qu’elles demandent : aussi n’y a-t-il pas au monde de peuple plus mal nourri que le peuple de Paris.