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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IV, 1782.djvu/18

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platitude certains rimeurs de je ne sais quel pays ont fait descendre la versification. Paix & repos aux bonnes ames qui composent ce déluge de vers & de prose fastidieuse ! Mais rien ne prouve mieux combien l’ennui ou amour regnent en France, puisqu’on y versifie si prodigieusement pour des beautés plus belles sans doute que les écrits qu’on fait en leur honneur.

Quand le provincial voit par hasard ses vers imprimés & signés de son nom, alors il tressaille de joie, & dans un transport extatique, il se dit : en ce moment, Paris, le roi, la cour lisent mon madrigal ; & mon nom devenu célebre à jamais, passe sous leurs regards. Qui sait si le roi ou le ministre ne rêve pas sur un de mes vers, & si, frappé de surprise & d’étonnement, il ne me destine pas quelqu’emploi ! Il assemble sa famille, lui montre la page immortalisante qui le distinguera du vulgaire ; le volume circule dans toutes les mains, depuis le président d’élection jusqu’au notaire ; tous admirent