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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IV, 1782.djvu/277

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le code moral des nations & les vertus civiles des particuliers ? Un poëme, un drame, un roman, un ouvrage qui peint vivement la vertu, modele le lecteur, sans qu’il s’en apperçoive, sur les personnages vertueux qui agissent ; ils intéressent, & l’auteur a persuadé la morale sans en parler. Il ne s’est point enfoncé dans des discussions souvent seches & fatigantes. Par l’art d’un travail caché, il nous a présenté certaines qualités de l’ame revêtues de ces images qui les font adopter. Il nous fait aimer ces actions généreuses ; & l’homme qui résiste aux réflexions, qui s’aigrit par les leçons dogmatiques, chérit le pinceau naïf & pur qui met à profit la sensibilité du cœur humain, pour lui enseigner ce que l’intérêt personnel & farouche repousse ordinairement. L’auteur se fait écouter par le plaisir ; & les préceptes de la plus austere morale se trouvent établis sans qu’on ait découvert le but de l’écrivain. Pectora mollescunt.

Montaigne dit qu’il fait bon naître en un siecle dépravé ; car, par comparaison on est