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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IV, 1782.djvu/36

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pénetre jusqu’au fond de l’ame, lorsque vous les entendez, dans leur marche fatigante, proférer un jurement d’une voix altérée & glapissante. On sent que leur organe n’étoit pas fait pour ces mots énergiques & grossiers ; que leur corps n’étoit pas créé pour supporter ces charges démesurées ; on le sent, puisque le hâle, le travail journalier, l’endurcissement des bras, le calus des mains, n’ont pu les métamorphoser en hommes. Sous leur vêtement épais, grossier & sale, sous la crasse, sous leur peau endurcie, elles conservent encore les formes originelles qui vous font distinguer au bal de l’opéra une duchesse sous le masque & le domino ; leur sexe n’est point anéanti pour l’œil sensible ; & ces malheureuses créatures lui commandent la pitié la plus profonde. Comment les femmes sont-elles réduites parmi nous à un labeur si disproportionné aux forces qu’elles ont reçues de la nature ? Le peuple chez qui on les enferme est-il plus cruel que celui qui les livre