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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/142

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Sorti à peine de cet horrible tumulte, j’entendis les cris déchirans des hommes, des femmes, des enfans suffoqués ; mais, quoique saisi d’effroi, je ne soupçonnois pas encore l’amas d’horreurs que cette nuit épouvantable devoit rassembler. Je regagnai mon logis ; je n’appris le désastre que le lendemain, quand l’amitié tendre & inquiete accourut & vint m’embrasser avec la joie de me revoir au nombre des vivans.

J’appris alors que nombre de mes compatriotes avoient péri dans cette affreuse bagarre ; que des scenes cruelles avoient encore ajoûté à l’horreur du trépas. Le pied du fils fouloit involontairement les flancs de la mere ; le pere avoit beau se débattre, il passoit sur le corps de son fils. On voyoit périr à ses côtés l’objet le plus cher ; on devenoit malgré soi l’instrument de sa mort. On portoit sur son sein le corps sans vie, jusqu’à ce qu’il tombât pour être foulé sous les pieds de la rage & du désespoir. Les cris, les hurlemens étouffoient les prieres du sexe foible ; l’en-