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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/291

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On avoit annoncé avec beaucoup d’emphase une laiterie de vaches Suisses, & tous les bons Parisiens disoient : nous boirons du bon lait de Suisse. Les poitrinaires se regardoient déjà comme guéris ; les tempéramens usés comptoient sur le rétablissement de leurs forces : mais on ne songeoit pas que les entrepreneurs n’avoient pas les épaules assez fortes pour transporter aux Champs-Élizées les montagnes couvertes de sapins, où croissent les végétaux substantiels.

Les vaches maigrirent dans de maigres pâturages, donnerent un lait commun, finirent par être livrées aux bouchers. L’entreprise échoua, à la grande surprise des badauds qui demandoient toujours du bon lait des vaches Suisses.

Il ne faut qu’un pareil trait pour peindre l’ignorance crédule d’une ville, combien elle réfléchit peu, & avec quelle facilité elle est dupe de toutes les promesses illusoires qui lui sont offertes par des compagnies & des imprimés.