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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/38

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On va jusqu’à dire un aimable roué. Qu’est-ce donc qu’un roué aimable ? demandera un étranger qui croit savoir la langue françoise. C’est un homme du monde, qui n’a ni vertus ni principes ; mais qui donne à ses vices des dehors séduisans, qui les ennoblit à force de grace & d’esprit. Voilà donc une idée complexe qui a donné lieu à un terme nouveau. Tous les roués, dit-on, ne sont pas sur la roue.

On dit d’un homme en place qui se permet tout, c’est un grand roué : son effronterie, son audace, justifieront ses vices & son ambition : s’il triomphe, s’il abat ses rivaux, il porte l’épithete honorable ; s’il succombe, on la lui retranche.

Si les étrangers s’étonnent qu’un pareil mot ait pu se naturaliser dans notre langue, qu’ils apprennent que de détestables plaisanteries, des plaisanteries de bourreaux, ont circulé long-tems & circulent encore dans toutes les bouches.

Un abbé fut pendu, il y a trente ans, pour de faux billets de banque ; le malheureux, au