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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/59

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noyer pesamment, au milieu des éclats de rire de la populace réjouie par la danse lourde de l’animal républicain ?

Le fier léopard n’a point reçu cette humiliation ; il déchireroit de ses griffes, conducteurs & spectateurs. L’ours helvétique monte à l’échelle, tend le chapeau du maître qui reçoit la vile monnoie que l’on offre par pitié à ses pas cadencés. Il gravissoit, le nez à l’air, les sommets du mont Jura ; muselé, il pose sa lourde patte sur l’échelon, on le frappe avec la chaîne qui le guide. Et pourquoi le traiter ainsi ? Il ne s’est pas vendu.

On a vu les conducteurs d’ours, voleurs de grands chemins, se servir de ces animaux pour dépouiller les passans ; on les avoit dressés à ce coupable usage. Ils ont attiré l’attention du gouvernement.

On nomme le gouverneur d’un sot de qualité, d’un jeune Allemand, d’un Hollandois, qui fait voyager son éleve pour le décrasser, un meneur d’ours. Les Suisses font volontiers ce métier-là.