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mercvre de france—x-1899

ciales de M. Cave et ce fait leur parut le comble de la folie.

— Je suis sûr qu’il en a souvent refusé la vente, dit le beau-fils, lourdaud de dix-huit ans à l’allure veule.

— Mais cinq guinées ! enchérit la belle-fille, jeune personne raisonnable de vingt-six ans. Les réponses de M. Cave furent pitoyables : il ne fit que marmotter de timides assertions, balbutiant qu’il savait ce qu’il avait à faire. Son dîner à peine achevé, ils l’entraînèrent, les oreilles brûlantes et des larmes de vexation derrière ses lunettes, fermer la boutique pour la nuit.

— Pourquoi diable, se disait-il, ai-je laissé l’œuf de cristal si longtemps dans la vitrine ? Quelle folie !…

C’est cela qui l’ennuyait le plus. Longtemps il chercha, sans pouvoir le trouver, un moyen d’éviter la vente.

Après souper, sa belle-fille et son beau-fils se firent beaux et sortirent seuls ; sa femme se retira à l’étage au-dessus pour réfléchir aux qualités commerciales du cristal, en même temps qu’elle appréciait, réunies dans un verre d’eau tiède, les qualités diverses du sucre, d’un peu de citron et… d’autre chose. M. Cave resta fort tard dans la boutique, sous l’ostensible prétexte de faire de petites roches ornementales dans de vieux aquariums, mais réellement dans un but inavoué qui s’expliqua de lui-même plus tard. Le lendemain, en effet, Madame Cave s’aperçut que l’œuf de cristal avait été retiré de la vitrine et se trouvait maintenant derrière une pile de vieux bouquins traitant de la pêche à la ligne. Elle le replaça bien en évidence. Mais elle ne disputa pas autrement à ce propos, parce qu’une vio-