Page:Mercure de France - 1899 - Tome 32.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
l’œuf de cristal

lente névralgie l’en détourna. La journée se passa désagréablement. M. Cave était, pour ne parler que de cela, plus distrait que de coutume et, de plus, extrêmement irritable. Dans l’après-midi, pendant que sa femme faisait sa sieste quotidienne, il retira encore l’œuf de cristal de la vitrine.

Le lendemain, M. Cave eut à livrer pour les dissections d’une clinique d’hôpital une commande de chiens de mer. Pendant son absence, l’esprit de Madame Cave en revint au cristal et aux meilleurs moyens de dépenser l’argent d’une telle aubaine. Elle en avait déjà imaginé de très agréables, parmi lesquels une robe de soie verte pour elle et, pour tous, une excursion à Richmond, quand le bruit discordant du timbre de la porte d’entrée l’appela dans la boutique. Le client était un maître répétiteur qui venait se plaindre qu’on n’avait pas encore livré des grenouilles commandées la veille. Madame Cave désapprouvait vivement cette branche particulière du commerce de M. Cave, aussi le pauvre homme, qui avait fait sa réclamation sur un ton quelque peu agressif, se retira, après un bref échange de paroles, d’une façon extrêmement civile, pour ce qui l’intéressait personnellement. Alors les regards de Madame Cave allèrent naturellement vers la vitrine : car la vue de l’œuf de cristal était pour elle l’assurance des cinq guinées et la réalité de ses rêves. Quelle fut sa surprise quand elle ne le vit plus à sa place ! Elle alla regarder derrière les casiers où elle l’avait trouvé la veille. Il n’y était pas ; elle se mit immédiatement à le chercher par toute la boutique, fiévreusement.

Quand M. Cave revint de livrer ses chiens de mer, vers deux heures moins le quart, dans l’après-midi, il trouva la boutique quelque peu en désor-