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dre, et sa femme, accroupie derrière le comptoir, bouleversant ses matériaux taxidermiques, dans un état d’esprit absolument exaspéré. Sa face apparut toute rouge et coléreuse quand le bruit du timbre eut annoncé le retour de son mari, et elle l’accusa sur-le-champ de l’avoir caché.

— Caché quoi ? demanda M. Cave.

— L’œuf de cristal !

Sur ce, M. Cave, en apparence grandement surpris, se précipita vers la vitrine.

— Il n’est plus là ? Grands Dieux ! qu’est-ce qu’il est devenu ?

Au même moment, le beau-fils de M. Cave, qui était rentré un instant auparavant, sortit de l’arrière-boutique — blasphémant généreusement : apprenti chez un ébéniste au bas de la même rue et prenant ses repas à la maison, il était naturellement furieux de ne pas trouver le dîner prêt.

Mais quand il apprit la perte de l’œuf de cristal, il oublia son repas, et sa colère se tourna de sa mère sur son beau-père. Leur première idée fut, nécessairement, qu’il l’avait caché, mais M. Cave nia énergiquement avoir aucune connaissance de son sort — offrant gratuitement sa pataugeante affirmation — et fit si bien qu’il arriva à accuser d’abord sa femme, puis son beau-fils de l’avoir pris pour le vendre à leur propre profit. Ainsi commença une discussion extrêmement acrimonieuse et émotionnante, qui se termina pour Madame Cave en un spécial accès nerveux, quelque chose entre l’épilepsie et la folie furieuse, ce qui mit le beau-fils en retard d’une demi-heure à son atelier. M. Cave se réfugia dans sa boutique, loin des émotions conjugales.

Le soir, le sujet fut remis en question, avec moins