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mercvre de france—xii-1899

veau près du cadavre de l’homme en noir, trempé par la grêle de la nuit précédente, et nous entrâmes dans les bois, au pied de la colline. Nous arrivâmes ainsi jusqu’au chemin de fer sans rencontrer âme qui vive. Les bois, de l’autre côté de la ligne, n’étaient plus que des débris consumés et noircis. Pour la plupart, les arbres étaient tombés, mais un certain nombre étaient encore debout, troncs gris et désolés, avec un feuillage d’un brun sombre au lieu de leur verdure de la veille.

Du côté que nous suivions, le feu n’avait rien fait de plus qu’écorcher les arbres les plus proches, sans réussir à prendre de pires proportions. À un endroit, les bûcherons avaient laissé leur travail interrompu. Des arbres, abattus et fraîchement émondés, étaient entassés dans une clairière, avec, auprès d’une scie à vapeur, des tas de sciure. Tout près de là était une hutte de terre et de branchages, désertée. Il n’y avait, à cette heure, le moindre souffle de vent, et toutes choses étaient étrangement tranquilles. Même les oiseaux se taisaient et dans notre marche précipitée, l’artilleur et moi parlions à voix basse en jetant de temps en temps un regard furtif par-dessus notre épaule. Une fois ou deux nous nous arrêtâmes pour écouter.

Au bout d’un certain temps, nous eûmes rejoint la route ; à ce moment nous entendîmes un bruit de sabots de chevaux et nous aperçûmes, à travers les troncs d’arbres, trois cavaliers avançant lentement vers Woking. Nous les hélâmes et ils firent halte, tandis que nous accourions en toute hâte vers eux. C’était un lieutenant et deux cavaliers du 8e hussards, avec un instrument semblable à un théodolite, que l’artilleur me dit être un héliographe.

— Vous êtes les premiers que j’aie rencontrés