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Page:Mercure de France - 1er janvier 1919, tome 131, n° 493.djvu/37

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Et voyez se dérouler sur la toile immense des siècles le roman héroïque que ce peuple y a tracé.


*


Voici les jours anciens du matin de l’Histoire :

Une race d’Occident quitte les rives argentées des terres helléniques,

Passe la mer, pose le pied sur le sol de la sombre Asie,
Marche, d’une allure aventureuse et fière,
Et va jusqu’aux bords enchantés du grand lac de Van
Ornés des plus belles fleurs et des plus antiques légendes,

Jusqu’aux pieds de l’auguste Ararat, le patriarche au front blanc qui domine l’Orient.

Elle y dresse sa tente,
Réunit autour d’elle et fond en elle-même
Les peuples indigènes dont l’antique valeur
Luttait depuis des siècles contre Assour la sanguinaire,
Et dit : « Ici est ma maison,
« Ici j’accomplirai ma mission :
« Prêcher aux barbares le libre esprit d’Occident,
« Initier l’Occident aux magies de l’Asie,
« Jusqu’au jour où Orient et Occident fraterniseront,
« Dans la clarté triomphante de la Liberté. »

Et la voici naître, la nation au cerveau d’Occident, au cœur d’Orient,

Petite par le nombre, grande par la destinée,
Appelée à une tâche pénible et glorieuse.
Toutes les tyrannies viennent alors l’assaillir,
Toutes, de l’Asie ténébreuse, vieux foyer du Despotisme,
Et de l’Europe elle-même, patrie de la Liberté ;
Toutes les tyrannies, comme des vagues énormes,

Viennent la submerger, puis reculent, se dispersent, s’évanouissent,

Et elle reparaît, vivante toujours, comme un roc indestructible.
Les empires géants s’écroulent autour d’elle,
Son bras vigoureux, inlassable,