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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/554

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girart de roussillon

635. « Je vous ferai un bref sermon sur la Vérité. Je vous dirai ce que fait Dieu, en sa majesté : il abaisse orgueil et soutient l’humilité. » À ce moment, on vit les comtes venir par le pré : ils formaient une colonne de mille hommes de profondeur sur cent de front[1], barons, comtes, comtors, riches chasés[2]. Ils viennent à pied et déchaux. Quand ils furent près de l’assemblée, ils s’arrêtèrent. Girart et Fouque, les premiers, la tête basse, sont allés au roi. Girart lui rend son épée, par le pommeau doré, puis il se prosterne à ses pieds. Les francs nobles barons furent émus de pitié, et les félons orgueilleux de colère. Et pourtant il n’y en eut pas un assez osé pour dire une parole hautaine ou démesurée. Le roi releva Girart et le baisa, puis après Fouque qu’il savait sage. Ils lui font hommage et feauté, et le roi leur rend leurs fiefs à titre de biens héréditaires. Puis, tous deux, ils s’humilièrent devant les fils de Thierri d’Ascane, et, de bonne foi, ils se mettent à leurs ordres et leur font tous les hommages que ceux-ci voulurent. Le pape leur a imposé tout cela à titre de pénitence ; il a commandé que tous lèvent les mains, en signe de paix et d’accord. Ensuite il a frappé d’interdit et séparé de Dieu quiconque recommencerait la querelle.

636. Le pape s’exprima en homme loyal : « Roi, si tu le veux, tu peux encore arriver au salut. Charles Martel, ton aïeul, fit de grands maux, et toi, en ta jeunesse, tu as fait de même : ce nom fut faux[3]. Présentement ton nom doit être Charles le Chauve. Maintenant que tu es riche

  1. Il est inutile de faire ressortir l’absurdité de ces chiffres.
  2. Voy. p. 225, n, 6, et p. 266, n. 2.
  3. Je traduis littéralement, sans bien comprendre ; l’auteur veut-il dire que ce nom s’appliquait mal, ou que c’était un surnom impliquant une idée défavorable ? Ce passage est en tout cas fort digne d’attention parce qu’il nous montre le nom de Charles Martel appliqué à deux personnages différents : celui à qui la tradition a conservé ce nom, et Charles le Chauve.