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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/224

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AFF

nomma prêteur ; et, pour gage de sa reconnaissance, Afer accusa de divers crimes supposés, et fit condamner à mort les derniers amis de la veuve de Germanicus. Il avait commencé par attaquer Claudia Pulchra, amie et parente d’Agrippine. Des succès qu’il obtint dans cette cause développèrent en lui des talents qui le mirent au-dessus de tous les orateurs de ce temps-là. L’année suivante, Afer accusa Quintilius Varus, fils d’Agrippine ; et trouvant que cette carrière était le chemin de l’opulence et des charges, il la parcourut jusqu’à sa vieillesse, quoique le déclin de ses facultés finit par nuire à son ancienne réputation d’éloquence. Aussi adroit flatteur qu’orateur brillant, son habileté le tira d’un danger dans lequel l’avait jeté son imprévoyante bassesse. Il avait érigé une statue à Caligula, avec cette inscription : Caïus à vingt-sept ans a été deux fois consul. Le fantasque tyran, qui avait des prétentions à l’éloquence, et qu’offusquaient les succès d’Afer, prononça au sénat une harangue étudiée, pour accuser son adulateur d’avoir voulu le signaler comme coupable d’une violation des lois, qui fixaient l’âge du consulat à vingt-cinq ans. La condamnation d’Afer était sure ; mais l’habile flatteur se jette aux pieds de son adversaire couronné, et affectant une grande admiration pour l’éloquence de l’empereur, déclara qu’il la redoutait plus que son pouvoir souverain, et répète les traits les plus saillants de son discours, avec une sorte d’enthousiasme. Caligula charmé, loin de poursuivre son accusation, envoya prés d’Afer l’un des consuls en charge pour lui donner les faisceaux consulaires. Cet orateur adroit était fait pour conserver toute sa faveur sous Claude et sous Néron ; il fut revêtu pendant leur règne d’emplois importants, et mourut d’intempérance sous l’empire du dernier, l’an 59 de J. -C. Afer a été le maître de Quintilien : c’est ce qu’on peut dire de plus honorable en faveur de ses talents, pour diminuer le mépris qu’inspirent ses vices. Quintilien dit, de son éloquence, qu’elle était pleine d’art et de variété, digne enfin d’être comparée à celle des plus furieux orateurs du plus beau temps de l’éloquence romaine. Il mêlait souvent dans ses plaidoyers des bons mots et des traits plaisants, pour desquels il avait un talent particulier. Il en restait des recueils du temps de Quintilien, qui les propose comme des modèles. Ce célèbre critique faisait aussi un grand cas d’un traité sur les Preuves, qu’avait donné Afer : l’ouvrage ne nous est pas parvenu. Il eût été curieux de voir traiter un tel sujet par le modèle des délateurs. Afer écrivit également deux livres sur l’Art oratoire. Il ne nous reste de lui que quelques sentences dans Quintilien, dans Dion et dans Pline le jeune. V-S-L.


AFFAITATI (Fortunio), philosophe italien, était né vers la fin du 15e siècle, à Crémone, d’une famille féconde en hommes de mérite. (Voy. la Biogr. Crémoneses de Lancetti.) Les talents de Fortunio lui méritèrent la bienveillance du pape Paul III, qui se l’attacha par quelque emploi ; il lui dédia son ouvrage intitulé : Physicæ ac astronomicæ Considerationes, Venise, 1549, in-8o. Ce volume, devenu rare, contient six traités dont les plus curieux sont ceux : de varia gemellorum Fortuna, et de Androgyina se ipso concipiente. Il est assez vraisemblable que ce dernier opuscule était connu de l’auteur de Lucina sine concubitu. (Voy. John Hill.) Le P. Moschini s’étonne que le pape ait accepté la dédicace d’un ouvrage aussi singulier (Biograf. universal., t. 1, p. 265). Après la mort de son protecteur, Fortunio quitta Rome ; et ayant passé en Angleterre, il s’y noya dans la Tamise, vers 1550 ; on ne sait si ce fut par accident. À des connaissances variées, il joignait de l’esprit et de l’imagination. W-s.


AFFICHARD (Thomas l’), né a Pont-Floh, diocèse de St-Pol-de-Léon, le 22 juillet 1698, mort à Paris le 20 août 1755, a travaillé pour le Théâtre-Français, pour le Théâtre-Italien, pour l’opéra-comique ; et même pour les marionnettes. À l’exception des pièces qu’il a faites pour ce dernier théâtre, il a presque toujours eu pour collaborateurs ou Panard, ou Romagnesi, ou Valois Dorville, ou Gallet. On trouve la liste de ses ouvrages dans le Dictionnaire des Théâtres de Paris, t. 3, p. 253 ; dans la France Littéraire, 1769, t. 2, etc. ; beaucoup de ces pièces ne sont pas imprimées ; quelques-une de celles qui le sont ont été recueillies sous le titre de Théâtre de l’Affichard, 1746, in-12 ; ce volume contient les Acteurs déplacés, la Famille, l’Amour imprévue, la Nymphe des Tuileries, le Fleuve Scamandre, les Effets du hasard. Une nouvelle édition, 1768, in-12, contient : le Fleuve Scamamdre, les Effets du hasard, la Nymphe des Tuileries, le Retour imprévu, la Famille, la Béquille. Il a aussi composé des romans : 1° le Songe de Clydamis, 1732, in-42 ; on y trouve un Voyage à Cythère. 2° Voyage interrompu, 1737, 2 parties in-12. 3° Caprices romanesques, 1745, in-12. On lui attribue aussi le Pouvoir de la Beauté, 1745, in-12. De son vivant, l’Affichard avait été apprécié. Voici une épigramme d’un de ses contemporains :

Quand l’afficheur afficha l’Affichard,
L’afficheur afficha le poëte sans art.

A. B-t.


AFFLITTO (Matthieu), petit-fils de Matthieu Afflitto, conseiller royal en 1409, sous Ladislas, naquit à Naples, vers 1430. S’étant adonné à l’étude des lois dés sa jeunesse, il y fit des progrès prodigieux, et acquit une réputation qui le porta au conseil d’État sous le roi Ferdinand Ier ; il jouissait de la confiance de ce prince et de celle du duc de Calabre, son fils (depuis Alphonse II). Nommé ensuite président de la chambre royale, Matthieu Afflitto fut employé dans les affaires les plus importantes, sous cinq rois successifs ; il joignait, aux connaissances profondes dont ses ouvrages font foi, une probité et une douceur extrême : les envieux même rendaient hommage à ses vertus, et surtout à son savoir. Camerario, lieutenant de la même chambre royale, très-savant feudiste, s’exprima ainsi à son sujet : Mattheum Afflictum, virum plana litteratissimum, nostra et precedenti œtate prestantissimum. Arnoldo Ferron, conseiller de la même chambre, appelle ce magistrat probus vir, et juris civilis scientia illustris. Fonta-