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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/26

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ABA

sion par un manifeste qu’il fit répandre dans toute l’Europe en 1681 Pendant la célèbre campagne de l’année suivante, il joignit ses troupes à celles de Tekéli, chef des Hongrois révoltés, et seconda Carra-Mustapha, quand il porta le siége devant Vienne. Cependant les succès du duc de Lorraine, qui se rendit maître d’Hermanstadt et d’une grande partie de la Transylvanie, forcèrent Abaffi et les principaux Transylvains de reconnaître l’empereur, et de conclure avec son général une convention par laquelle Michel Abaffi conserva son autorité, il régna ensuite paisiblement jusqu’à sa mort, en avril 1690. Il aimait les lettres, parlait plusieurs langues, et savait fort bien le latin.  B-p.

ABAFFI (Michel), dernier prince de Transylvanie, fils du précédent, naquit en 1677. et succéda à son père, ayant été reconnu par l’empereur Ferdinand III, qui lui donna des tuteurs à cause de sa minorité. Mais sa principauté lui fut disputée par le comte de Tekéli, allié de la Porte. Tandis que le grand vizir Caprogli battait, en 1690, l’armée impériale, Tekéli s’emparait de plusieurs places de la Transylvanie ; mais l’anarchie qui existait dans l’empire turc empêcha Tekélie de conserver ses conquêtes. Les Impériaux reprirent tout ce qu’ils avaient perdu, et la Transylvanie rentra sous leur domination en 1699 par le traité de Carlowitz, sans néanmoins que le jeune Abaffi pût y régner aux mêmes conditions que son père. Ce prince ayant épouse la fille de Georges Bethelm, comte de Transylvanie, contre la volonté de l’Empereur, qui n’attendait qu’un prétexte pour le dépouiller, fut mandé à Vienne, et contraint de céder ses droits de souveraineté pour une pension de 15, 000 florins et le titre de prince du Saint-Empire. Abaffi mourut à Vienne le 1er février 1715. Depuis cette époque, la Transylvanie est restée sous la puissance de l’Autriche. B-p.

ABAILARD. Le plus illustre représentant de la philosophie scolastique au 12e siècle, l’adversaire de St. Bernard, le savant professeur qui compta parmi ses disciples un pape et une foule d’évêques, Abailard a traversé les siècles en héros de roman plutôt qu’en philosophe ; son nom inséparablement uni à celui d’Héloïse, s’est gravé dans la mémoire comme un symbole poétique de malheur et d’amour. La critique moderne a retrouvé les véritables titres de ce nom célèbre, et rétabli le caractère de sa gloire en fixant la place qui lui appartient dans l’histoire de la philosophie. ― Pierre Abailard naquit en 1079 à quelques lieues de Nantes, dans le bourg de Palais, dont Bérenger, son père, était seigneur. Dans un de ses écrits, Abailard nous a laissé des détails intéressants sur les occupations de sa jeunesse. « La nature, nous dit-il, m’avait donné, avec une caractère léger, une intelligence qui me rendit l’étude très-facile. Mon père, avant de ceindre l’épée, avait été instruit dans les lettres, et il voulut que tous ses enfants reçussent une éducation savante avant d’être formés au métier des armes. » Placé sous la direction de maîtres habiles, le jeune Abailard fit des progrès rapides ; ses succès accrurent son zèle, et il s’éprit pour l’étude d’une passion si profonde, qu’il voulut s’y livrer sans partage. Il abandonna à ses frères ses droits d’aînesse et d’héritage, « préférant, comme il le dit lui-même, les exercices de l’esprit et les triomphes de la logique aux trophées des batailles. » ― Les matériaux dont l’esprit humain disposait alors n’étaient pas nombreux ; les débris les plus importants de la civilisation antique n’avaient pas encore été retiré des ruines amoncelées par les barbares ; le travail de déblai commençait ; quelques éléments d’astronomie, de géométrie et d’arithmétique, un peu de grec, quelques poëtes latins, le Timée de Platon, traduit par Chalcidius, les parties de l’Orgamun d’Aristote, traduites et commentées par Boëce, les Analytiques, les Topiques et la Division de ce dernier, enfin l’Introduction de Porphyre, tels étaient, à peu de chose prés, les éléments de la connaissance au 12e siècle. Abailard eut bientôt épuisé le savoir de ses maîtres et de ses livres ; il s’était de bonne heure exercé dans la dialectique ; ce lui fut un arsenal où il puisa les moyens de satisfaire son goût inné pour la polémique et la dispute. Le noble clerc « n’avait fait qu’échanger les armes de la guerre contre celles de la logique ; » aussi porta-t-il dans les luttes de l’école la turbulence et la fougue des luttes féodales. Véritable chevalier errant de la philosophie, il s’en allait d’école en école, armé du syllogisme et du dilemme, brûlant de se signaler dans les tournois scolastiques, cherchant de tous côtés des rivaux à combattre et des erreurs à redresser. ― À vingt ans environ, il s’en vint à Paris, où sa réputation l’avait précédé. Guillaume de Champeaux, archidiacre de Notre-Dame, tenait alors l’école du cloître avec le plus grand succès. Il reçut avec distinction Abailard parmi ses disciples et lui donna même des marques particulières de bienveillance ; mais ce premier sentiment passa bien vite : son brillant élève lui devint bientôt insupportable. Abailard ne cherchait qu’à embarrasser son maître, lui soumettait ses doutes, proposait des objections, suscitait des discussions qu’il soutenait vivement et sans ménagement ; argumentant à outrance, réfutant, poussant son interlocuteur dans tous les coins de la logique, il lui arrivait souvent de rester maître du champ de bataille. ― La question des universaux était le sujet ordinaire de leurs disputes. Cette question fondamentale se retrouve sous des formes diverses à toutes les grandes époques de la philosophie : elle avait partagé l’antiquité en deux grandes écoles rivales : Platon et Aristote l’avaient résolu contradictoirement. Transmise au moyen âge par Porphyre et Boëce avec l’une et l’autre solution, elle fut pour l’esprit humain un nouveau point de départ vers une philosophie nouvelle. Le 11e siècle sut tirer des conséquences nouvelles du problème de Porphyre. Roscelin, l’un des premiers, professa que les universaux, c’est-à-dire les genres et les espèces, ne sont que des mots, et qu’il n’y a de réalité que dans les individus ; il allait jusqu’à dire que les parties d’une chose n’ont qu’un valeur verbale : voila le nominalisme. Ce système qui dérivait de la