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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/318

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ALA

Alan alla encore plus loin : encouragé par les conseils de son ami, le célèbre jésuite Robert Parsons, il se lia avec plusieurs nobles anglais, catholiques romains, qui s’étaient retirés en Flandre comme lui, pour engager Philippe II, roi d’Espagne, à tenter une invasion en Angleterre. Ce projet fut adopté par le cabinet de Madrid, qui fit équiper, pour l’exécution, la grande flotte connue sous le nom d’Armada, dont l’exécution eut tant d’éclat et si peu de succès. Cette flotte mit à la voile en 1588 ; elle était chargée de plusieurs milliers d’exemplaires d’un livre imprimé à Anvers, et composé par Alan, le P. Parsons et d’autres jésuite. Les exemplaires devaient en être dispersés en Angleterre, après le débarquement des Espagnols. L’ouvrage était divisé en deux parties ; la première contenait une déclaration de Sixte-Quint, portant : « Qu’en conséquence d’une bulle du pape, la reine Élisabeth était excommuniée et détrôné, et que sa couronne était transférée au roi d’Espagne. » La seconde partie contenait une « admonition à la noblesse et au peuple d’Angleterre, déclarant Élisabeth schismatique et hérétique, non reine, usurpatrice, et coupable d’actions qui la rendaient incapable de régner et même indigne de vivre ; et, en conséquence, ses sujets étaient déliés, à son égard, de leur serment de fidélité. » De pareilles déclarations, absurdes et révoltantes en soi, devinrent encore plus ridicules par l’ignominieuse défaite de l’Armada, qui devait les mettre à exécution. Après ce grand revers, les Espagnols cherchèrent à ramasser et à détruire les exemplaires du livre d’Alan et consorts ; mais quelques-uns échappèrent à leurs recherches. C’est à cette occasion que le comte d’Arundel fut condamné à mort (voy. Arundel.), tandis qu’Alan fut récompensé par le chapeau de cardinal, et obtint ensuite l’archevêché de Malines. Il ne résida cependant pas dans cette ville ; il alla s’établir a Rome, ou il vécut avec beaucoup d’éclat, très-considéré, et employant sa fortune et son crédit à servir les catholiques anglais qui avaient quitté leur pays. On a dit que, vers la fin de sa vie, il se repentit de la violence des mesures qu’il avait provoquées contre sa patrie. et qu’il eut lieu de se plaindre de la conduite des jésuites à son égard. Sa plaintes pouvaient être fondées ; on a accusé les jésuites de l’avoir empoisonné, mais il n’y en a aucune preuve. Il faut se défier de ces accusations d’empoisonnement, si fréquente et si légèrement hasardées, surtout en Italie, dans ce siècle et dans ceux qui l’ont précédé. Alan est mort en 1594. Les ouvrages qu’il a laissé, oute ceux qu’on a cités, sont : 1° Défense du pouvoir légitime et des l’autorité des sacerdoces, pour la rémission de péchés, avec un supplément sur la confession et les indulgences, in-8o, Louvain, 1567 2° Sur les Sacrements, Anvers, 1576, in-4o ; 3° Culte des saints et de leurs reliques ; modeste et sincère apologie des chrétiens catholiques qui ont souffert pour la foi, soit dans leurs pays, soit ailleurs, 1583. S-d.


ALAND (Sir Jean Fortescue), juge anglais, né en 1676, de l’ancienne famille de Fortescue, dans le Devonshire, prit le nom de Aland pour plaire à son épouse, fille aînée, de Henri Aland, écuyer de· Waterford, en Irlande ; il fit ses études à Oxford, vint à Inner-Temple, et parut au barreau en 1690, Il devint successivement solliciteur général du prince de Galles, et ensuite solliciteur du roi. En 1717, il fut créé baron de l’échiquier, et, l’année suivante, nommé juge de la cour du banc du roi. Destitué de ce poste à l’avènement de George II, il fut nommé ensuite juge des plaidoyers communs, place qu’il remplit jusqu’en 1746, époque à laquelle il donna sa démission. Créé alors pair d’Irlande, avec le titre de baron de Fortescue de Credan, il mourut bientôt après. Aland était habile jurisconsulte, juge intègre et profondément instruit dans la littérature saxonne. En 1714, il a publié, in-8o, un traité de l’un de ses ancêtres, Jean de Fortescue, intitulé : Différence entre une monarchie absolue et une monarchie limitée, principalement sous le rapport de la Constitution anglaise. Après sa mort, on a imprimé, in-fol., ses Exposés des causes dans toutes les cours de Westminster-Hall, du temps de Guillaume III et de la reine Anne. B-r. j.


ALARD (François), d’une famille noble de Bruxelles, naquit au commencement du 16e siècle. Son père, Guillaume Alard de Gautier, zélé catholique converti, l’obligea à entrer dans l’ordre de St-Dominique. Il s’y distingue de bonne heure par son talent pour la prédication. Un négociant d’Hambourg, qui l’avait entendu prêcher avec beaucoup d’intérêt, lui ayant procuré le moyen de lire en secret les ouvrages de Luther, Alard eut une grande envie d’entendre ce réformateur. Avec l’aide du même négociant, il trouva moyen de s’évader de son couvent, et de faire de bonnes études théologiques à Iéna et à Wittenberg. La mort de cet ami l’ayant laissé sans ressource, il prit le parti de revenir à Bruxelles, et de demander des secours à son père ; mais, avant qu’il eût eu l’entrevue secrète qu’il espérait obtenir de lui, il fut aperçu dans une des rues de Bruxelles par sa mère, catholique fervents, qui l’apostrophera durement, et le dénonça à l’inquisition. On tâcha de le ramener dans le sein de l’Église qu’il avait abandonnée ; sa persévérance dans ses refus irrita tellement sa mère, qu’elle fut, d’après le récit de son arrière-petit-fils, consigné dans sa Decas Alardorum script. clarorum, la première à invoquer la rigueur des lois, et qu’elle offrit de fournir elle-même le bois pour le bûcher. La sentence de mort prononcée, le malheureux Alard est conduit en prison, pour y passer les trois jours qui devaient s’écouler entre sa condamnation et son supplice. La nuit d’avant le jour fixé pour son exécution, s’étant endormi de lassitude, il croit entendre une voix qui lui crie : Francisce, surge et vade (François, lève-toi, et sors d’ici). Il se lève et aperçoit une ouverture par où la lune pénétrait dans sa prison. En l’examinant, il s’assure qu’il pourra y passa après s’être déshabillé ; il coupe ses draps, se fut une corde, jette ses habits au bas de la tour et se glisse le long de la corde qu’il avait attaché au barreau. Elle ne descendait que jusqu’à la moitié de la hauteur de son cachot ; il se laisse tomber, et un égout