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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/319

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ALA

le reçoit au bas du donjon. Après avoir passé sans obstacle près de la sentinelle, il se cacha dans un buisson, où il resta trois jours sans nourriture, et entendit l’aboiement des chiens qu’on avait mis à sa poursuite ; le troisième jour, il obtint, comme mendiant, de la compassion d’un roulier, un morceau de pain, et la permission de faire quelque chemin sur sa voiture. N’étant pas éloigné de la maison où demeurait une de ses sœurs, il se fit descendre à sa porte ; mais sa sœur, dont le zèle n’était pas moins ardent que celui de sa mère, le repoussa avec horreur, et se mit à crier devant l’étranger : « D’où « viens-tu, misérable ? veux-tu nous entraîner dans « l’abime avec toi ? » Son mari, plus humain, donna quelques secours au malheureux Alard, et engagea le charretier à le conduire en lieu de sûreté. De là, il se rendit dans le comté d’Oldenbourg, ou il devint aumônier du prince ; mais ayant été appelé par les Anversois, auxquels la liberté du culte venait d’être accordée, l’amour de son pays natal l’attira de nouveau dans la Belgique, et l’y ramena encore deux fois, malgré les persécutions du duc d’Albe et les dangers auxquels il s’exposait. Son père étant allé le voir pendant son séjour à Anvers, avec l’intention de la ramener au catholicisme, non seulement n’atteignit pas son but, mais finit par adopter les sentiments de son fils. Alard ayant perdu tout espoir de remplir les fonctions de son ministère dans son pays natal, se retira dans les États du roi de Danemark, Christian IV, et obtint de ce prince la cure de Wilster, dans le Holstein, ou il mourut en 1578. On a d’Alard des livres en latin et en flamand, qui ont perdu tout leur intérêt avec les circonstances qui les dictèrent. F. Mani a été père de Guillaume, grand père de Lambert et de Nicolas, et bisaïeul de Nicolas le jeune, mort à Hambourg en 1756, tous connus par des ouvrages de théologie ou de philologie. Le dernier a raconte la vie de son bisaïeul dans sa Decas Alardorum script. clarorum, Hambourg, 1721, 8 vol. S-r.


ALARD. Voyez Allard.


ALARIC. Ce conquérant était de la famille des Balthes, la plus illustre de la nation des Goths, après celle des Amales. L’histoire ne commence à parler de lui que vers l’an 395, époque où les Goths se réunirent aux armées de Théodose le Grand, pour combattre les Hum, nation redoutable a l’empire d’occident. La Goths, commandés par Alaric, rendirent de grands services pendant cette guerre, dans laquelle, en défendant un empire ébranlé de toutes parts, ils apprirent a connaître sa faiblesse et se préparèrent a l’attaquer. Ils aidèrent Théodose a triompher du rebelle Eugène, qui voulait s’élever a la pourpre impériale (355). Ce fut lui qui prit Rome pour la première fois, et qui enseigne aux barbares le chemin de cette capitale du monde ; ainsi appelés dans les affaires intérieures de l’empire, ils devinrent bientôt des hôtes incommodes et des protecteurs dangereux. Alaric, à qui l’on avait cédé un territoire dans la Thrace, et qui n’avait obtenu qu’un titre honorifique dans l’armée romaine, se plaignit hautement de l’ingratitude des maîtres de l’occident. La cour des empereur était alors remplie d’hommes qui faisaient des vœux secrets pour les barbares, les uns, parce qu’ils supportaient impatiemment l’autorité ; les autres, parce qu’ils avaient des vues d’ambition, et qu’ils espéraient entrer en partage des dépouilles de l’empire, s’il venait à être renversé. La rivalité du Vandale Stilicon, tuteur d’Honorius, et du Goth Rufin, tuteur d’Arcadius, servit les projets d’Alaric. Rufin l’excita secrètement à envahir la Grèce ; et, lui ayant fait passer des sommes considérables, il n’eut pas de peine à le déterminer. Bientôt le chef des Goths ravagea la Pannonie, la Macédoine, la Thessalie, et s’avança jusqu’aux Thermopyles ; les plus beaux monuments des arts furent détruits par ses soldats. Sozime rapporte, dans son histoire ; que l’ombre d’Achille, et Minerve, armée de sa redoutable égide, défendirent les murs d’Athènes. Cette fable, digne de figurer dans une épopée, ne s’accorde ni avec la vérité historique, ni avec le caractère du chef des Goths. Loin d’être arrêtés par les dieux du paganisme, les compagnons d’Alaric, qui avaient embrassé la doctrine des ariens, renversèrent les autels de Minerve et de toutes les autres divinités de l’ancienne Grèce. Claudien, dans son poëme intitulé : la Guerre contre les Gètes, fait un tableau effrayant de cette désastreuse invasion. Malheureusement, les récits du poëte sont, en cela, plus exacts que ceux de l’historien. Stilicon vint au secours des Grecs, avec une puissante armée., Après plusieurs combats, il força les Goths vaincus à se retirer sur le Pholoé ; et, par de savantes manœuvres, il les enferma dans leur camp, où la faim devait bientôt les livrer sans défense au glaive des Romains ; mais, comptant trop sur la victoire, il quitta son armée pour assister aux fêtes religieuses des Grecs, qui tenaient d’autant plus à leur ancien culte, qu’Alaric s’en était déclaré l’ennemi, et qui croyaient insulter aux barbares, en renouvelant en l’honneur des dieux les solennités et les jeux du paganisme. Tandis que Stilicon et les peuples de la Grèce célébraient la défaite des Goths, Alaric parvint à s¦{échapper ; et, peu de jours après, on apprit qu’il était maître de l’Épire. Stilicon fut rappelé par Honorius, et l’empereur d’Orient ne trouva d’autre moyen d’arrêter l’invasion des Goths, que de donner à leur chef la souveraineté de l’Illyrie. Maitre de vastes provinces, Alaric n’oublia point qu’il avait été l’ennemi d’Honorius, et ne s’occupa que des moyens de recommencer la guerre contre l’empire d’occident. Après avoir été élevé sur un pavois, et proclamé roi des Visigoths, il rassembla une armée où furent appelés les barbares des rives du Danube, auxquels il promit les dépouilles de Rome et de l’Italie. Il devait trouver peu d’obstacles dans cette nouvelle guerre : Honorius était un prince faible et timide ; comme dans tous les États en décadence, Rome n’avait plus de défenseurs dont la fidélité fût éprouvée. À l’approche des Goths, on rappela du fond des provinces les vieilles troupes et tous les barbares qui s’étaient mis à la solde des Romains. L’1talie se trouvait ouverte de toutes parts, et bientôt le pillage d’Aquilée et de plusieurs autres villes annonça la présence des barbares (402) ; Honorius fut obligé