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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/320

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ALA

d’abandonner Milan, et de se réfugier dans le château d’Asti, ou il se trouva bientôt assiégé. L’empereur était près de se rendre, lorsque les troupes venues de la Gaule et de Germanie, sous le commandement de Stilicon, surprirent Alaric, et l’assiégèrent à son tour dans ses retranchements. Le chef barbare, qui s’était laissé surprendre, déploya pour réparer sa faute le courage et le génie d’un habile capitaine. Il releva par son exemple et par ses discours la bravoure de sa soldats ; mais les Romains eurent recours à un stratagème qui affaiblit l’ardeur de leurs ennemis : ils les attaquèrent tandis qu’ils célébraient les fêtes de Pâques. Les Goths, nouvellement convertis à l’arianisme, croyant commettre un sacrilège en combattant dans un jour si solennel, prirent les armes moins pour vaincre que pour se défendre, et leur infanterie fut taillée en pièces ; les dépouilles de la Grèce, la femme et les enfants d’Alaric tombèrent entre les mains des soldats d’Honorius. Cette bataille, livrée près de Polentia, à 25 milles de Turin, fut représentée à la cour d’Honorius comme une victoire décisive ; et, pour nous servir de l’expression du poëte Claudien, comme un coup mortel porté au cœur de la Scythie. Cependant, après sa défaite, Alaric marcha sur Rome à la tête de sa cavalerie qui n’avait point souffert, et fit redouter son courage ou son désespoir, au point qu’on résolut d’acheter sa retraite, après l’avoir vaincu. On lui rendit sa femme et ses trésors ; mais il ne voulut pas quitter l’Italie avant d’avoir signalé la valeur de ses soldats par une conquête importante, et résolut de s’emparer de Vérone. Surpris dans sa marche par les légions romaines, il essuya une nouvelle défaite plus désastreuse que la première. Cependant le Visigoth ne perdit pas courage, il rassembla les débris de son armée et se retrancha sur des rochers voisins du champ de bataille ; dans cette position inexpugnable, il fit encore trembler les Romains au milieu de leur victoire ; mais, à la fin, manquant de vivres, abandonné par les barbares, qui n’avaient plus de respect et de dévouement pour un chef deux fois vaincu, il quitta l’Italie et retourna en Illyrie. La terreur qu’inspirait son nom était si grande, qu’on regarda sa retraite comme un triomphe. Le peuple et le clergé remercièrent le ciel, et la capitale de l’Occident prodigua les honneurs et les louanges.à Stilicon, qui, dans cette campagne difficile et glorieuse, avait déployé l’activité et les talents d’un grand capitaine. Alaric souffrit beaucoup dans cette expédition ; mais il avait fait voir à ses soldats un pays riche et fertile ; il avait appris à tous les barbares du nord et du midi qu’on pouvait s’emparer de Rome, et le bruit de ses exploits attira bientôt sous ses drapeaux tous les ennemis du nom romain, tous les aventuriers et tous les soldats avides de pillage. lorsqu’il se vit à la tête d’une nouvelle armée, Alaric se vanta d’avoir épargné la capitale de l’Occident, et demanda le salaire de sa clémence. Il entama des négociations ; pendant qu’on les poursuivait, les familles barbares établies en Italie furent massacrées par l’ordre des ministres d’Honorius. Alors les Goths au service de l’empire désertèrent leurs drapeaux et allèrent, par leurs récits et le spectacle de leurs malheurs, excité l’indignation d’Alaric. Le roi des Goths commença par se plaindre ; et, comme il parla avec modération, on prit son langage pour de la faiblesse ou de la crainte ; on ne répondit point à ses réclamations, et l’Italie ne prit aucune mesure pour sa défense ; mais, tandis qu’à Rome on tournait en ridicule le roi des Visigoths et ses prétentions, tout à coup les rives du Pô furent couvertes de barbares qui demandaient vengeance, et qui pillèrent Aquillée, Crémone et toutes les villes qu’ils rencontrèrent sur leur passage. Honorius s’était enfermé dans Ravennes ; le peuple des villes fuyait dans les forêts et dans les montagnes, et le Goth marchaient sans obstacle vers Rome. La ville éternelle fut bientôt investie par les barbares (408) ; et les descendants des Fabius et des Scipions n’eurent d’espoir que dans leurs supplications et leurs prières. « Qu’on m’épargne, leur dit Alaric, la peine de piller « Rome, et qu’en me donne tout l’or et tous les « objets précieux qui se trouvent dans la ville. « Que laisserez-vous donc aux Romains ? La vie. » Les députés lui avaient parlé de la nombreuse population de Rome, qui pouvait prendre les armes contre lui : « Plus l’herbe est serrée, leur dit le roi « barbare, et plus la faux y mord. » Cependant, soit qu’il craignit le désespoir des Romains, soit qu’il fût touché de leurs prières, il consentit à lever le siége, et se contenta d’exiger 5,000 livres pesant d’or, 30,000 livres d’argent, 4,000 robes de soie, 3,000 pièces de drap fin écarlate, et 3,000 livres de poivre. Enrichie des dépouilles des Romains, l’armée des Goths vint prendre ses quartiers d’hiver dans la Toscane. Pendant ce temps, la cour d’Honorius, établie à Ravennes, était en proie à plusieurs factions qui se reprochaient les malheurs de l’empire, et se disputaient les restes de l’autorité impériale ; chacun désirait en secret s’appuyer des barbares ; et, devant l’empereur, on s’accusait mutuellement de favoriser Alaric. La crainte arrachait à Honorius et à ses ministres des promesses avilissantes, et je ne sais quel souvenir de la grandeur romaine, excitant leur orgueil, les empêchait de remplir les conditions des traités. Alaric ne put supporter la hauteur et les refus de ceux qu’il avait vaincus ; Rome, encore une fois attaquée, fut réduite aux plus cruelles extrémités et menacée d’être livrée aux flammes. Encore une fois, les Romains livrèrent leurs richesses pour sauver leurs murailles. L’orgueilleux Alaric, dédaignant un empire qui était en son pouvoir, le donna à Attale, préfet du prétoire ; et, comme s’il eût pris plaisir à avilir la pourpre impériale, il ne tarda pas à détrôner l’empereur qu’il avait créé ; après lui avoir arraché le sceptre en présence des Goths et des Romains, il le chasse ignominieusement. Cependant les ministres d’Honorius, qui, enfermés dans Ravennes, adressaient alternativement au roi des Goths de basses supplications ou de ridicules menaces, lui donnèrent un nouveau prétexte de recommencer la guerre. Alaric, irrité, reprit les armes et revint une troisième fois mettre le siége devant Rome ; cette fois, rien ne put la