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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/195

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les faits jusqu’au moment où on me sépara du cadavre de Flourens.

» Mon ami avait cessé de souffrir, ma grande souffrance commençait en ce moment.

» Le meurtrier de Flourens parti, je restai à la merci des gendarmes qui hurlaient comme des hyènes autour de moi.

» On me fit lever et on me plaça debout à côté du cadavre de Flourens pour être fusillé.

» Un des gendarmes eut l’idée de m’adresser la parole, lui ayant répondu avec horreur et dégoût, il fit pleuvoir sur moi nous une avalanche de coups et d’insultes.

» Ce contre-temps me sauva la vie ; un sous-lieutenant de gendarmerie passant par là demanda qui j’étais.

» — C’est l’aide-de-camp de Flourens, répondirent les gendarmes, c’est pour cela que je suis connu avec ce titre.

» — C’est malheureux, dit le sous-lieutenant, ce n’était pas ici qu’il fallait le tuer, mais le fusiller à Versailles.

» En parlant de moi il dit : — Garrottez ce coquin comme il faut, on le fusillera demain à Versailles avec d’autres canailles que nous avons faits prisonniers.

» Je fus solidement garrotté comme il l’avait ordonné ; on me fit venir un tombereau avec du fumier, on me jeta sur les jambes le cadavre de mon pauvre ami.

» Nous nous mîmes en route pour Versailles au milieu d’un escadron de gendarmes à cheval.

» La nouvelle de l’arrivée de Flourens nous avait précédés.

» À la porte était un régiment de soldats qui ignorant sa mort tiraient les baguettes de leurs fusils pour me frapper.

» Nous arrivâmes au milieu d’une population ivre et féroce qui hurlait : À mort, à mort !