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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/199

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étais reconnaissante de la complète liberté qu’elle me laissait d’agir en conscience, et comme j’aurais voulu lui épargner les mauvais jours qu’elle eut si souvent !

Les camarades de Montmartre sont là, on est sûr les uns des autres, sûr aussi de ceux qui commandent.

Maintenant on se tait, c’est la lutte ; il y a une montée où je cours en avant, criant : À Versailles ! à Versailles ! Razoua me jette son sabre pour rallier. Nous nous serrons la main en haut sous une pluie de projectiles, le ciel est en feu, personne n’est blessé.

On se déploie en tirailleurs dans des champs pleins de petites souches, mais on dirait que nous avons déjà fait ce métier-là.

Voici les Moulineaux, les gendarmes ne tiennent pas comme on pensait ; on croit aller plus loin, mais non, on va passer la nuit les uns au fort, les autres au couvent des jésuites. Nous qui croyions aller plus loin, ceux de Montmartre et moi, nous pleurons de rage ; pourtant on a confiance. Eudes ni Ranvier, ni les autres, ne s’attarderaient pas à rester sans une raison majeure. On nous en dit des raisons, mais nous n’écoutons pas. Enfin on reprend espérance ; il y a maintenant des canons au fort d’Issy, ce sera bonne besogne de s’y maintenir. On était parti avec d’étranges munitions (restes du siège), des pièces de douze pour des boulets de vingt-quatre.

Maintenant passent comme des ombres ceux qui étaient là dans la grande salle du bas au couvent : Eudes, les frères May, les frères Caria, trois vieux, braves comme des héros, le père Moreau, le père Chevalet, le père Caria, Razoua, des fédérés de Montmartre ; un nègre d’un noir de jais, avec des dents blanches pointues comme celles des fauves ; il est très bon, très intelligent et très brave ; un ancien zouave pontifical converti à la Commune.

Les jésuites sont partis, à part un vieux qui n’a pas