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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/200

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peur, dit-il, de la Commune et qui reste tranquillement dans sa chambre, et le cuisinier qui, je ne sais pourquoi, me fait penser à frère Jean des Eutomures. Les tableaux qui ornent les murs ne valent pas deux sous, à part un portrait qui donne bien l’idée d’un caractère, il ressemble à Méphistophélès, ce doit être quelque directeur des jésuites ; il y a aussi une adoration des Mages dont l’un ressemble, en laid, à notre fédéré noir, des tableaux de chronologie sainte et autres bêtises.

Le fort est magnifique, une forteresse spectrale, mordue en haut par les Prussiens et à qui cette brèche va bien. J’y passe une bonne partie du temps avec les artilleurs, nous y recevons la visite de Victorine Eudes, l’une de mes amies de longtemps quoiqu’elle soi bien jeune ; elle aussi ne tire pas mal.

Voici les femmes avec leur drapeau rouge percé de balles que saluent les fédérés ; elles établissent une ambulance au fort, d’où les blessés sont dirigés sur celles de Paris, mieux agencées. Nous nous disséminons, afin d’être plus utiles ; moi je m’en vais à la gare de Clamart, battue en brèche toutes les nuits par l’artillerie versaillaise. On va au fort d’Issy par une petite montée entre des haies, le chemin est tout fleuri de violettes qu’écrasent les obus.

Tout proche est le moulin de pierre, souvent nous ne sommes pas assez de monde dans les tranchées de Clamart. Si le canon du fort ne nous soutenait pas, une surprise serait possible ; les Versaillais ont toujours ignoré combien on était peu.

Une nuit même, je ne sais plus comment, il arriva que nous étions deux seulement dans la tranchée devant la gare ; l’ancien zouave pontifical et moi avec deux fusils chargés, c’était toujours de quoi prévenir. Nous eûmes la chance incroyable que la gare ne fut pas attaquée cette nuit-là. Comme nous allions et