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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/203

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n’y avait pas de raisonnement à avoir avec l’impression qui le tenait. — Faites le si vous voulez, lui dis-je, moi je reste là, et je fais sauter la gare si vous la rendez. Je m’assis avec une bougie, sur le seuil d’une petite chambre, où étaient entassés les projectiles, et ma bougie allumée j’y passai la nuit. Quelqu’un était venu me serrer la main, et je vis qu’il veillait aussi : c’était le nègre. — La gare tint comme à l’ordinaire. Le jeune homme partit le lendemain et ne revint plus.

Clamart, de ce côté encore, il arriva à Fernandez et à moi une assez étrange aventure.

Nous étions allées avec quelques fédérés vers la maison du garde champêtre où on appelait des hommes de bonne volonté.

Tant de balles sifflaient autour de nous, que Fernandez me dit : — Si je suis tuée, vous aurez soin de mes petites sœurs. Nous nous embrassons et poursuivons notre chemin. Des blessés, au nombre de trois ou quatre étaient dans la maison du garde couchés à terre sur des matelas, lui était absent, la femme seule, avait l’air affolé.

Comme nous voulions enlever les blessés, elle se mit à nous supplier de partir, Fernandez et moi, en laissant les blessés qui, disait-elle, n’étaient pas transportables, sous la garde des deux ou trois fédérés qui nous accompagnaient.

Sans pouvoir comprendre quel motif avait cette femme d’agir ainsi, nous n’aurions voulu pour rien au monde, quitter les autres en cet endroit suspect.

Avec beaucoup de peine nous enlevâmes nos blessés, sur les civières d’ambulance qu’on avait apportées, tandis que la femme se traînait à genoux, nous suppliant de partir toutes les deux seulement.

Voyant qu’elle n’obtenait rien, elle se tut, et sortit sur le devant de sa porte pour nous regarder nous éloigner, emportant nos malades sur lesquels pleuvait