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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/326

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dant dix jours le gouvernement autorisa le massacre des citoyens et les fusillades sans jugement.

» Ces journées funestes nous reportent à celles de la Saint-Barthélémy. — On a trouvé moyen de dépasser juin et décembre. — Jusques à quand le peuple continuera-t-il à être mitraillé ?

» Membre de la Commune de Paris, je suis entre les mains de ses vainqueurs, ils veulent ma tête, qu’ils la prennent. Jamais je ne sauverai ma vie par la lâcheté ; libre j’ai vécu, j’entends mourir de même.

» Je n’ajoute plus qu’un mot : la fortune est capricieuse, je confie à l’avenir le soin de ma mémoire et de ma vengeance.

» Après ce manifeste interrompu à chaque mot par des insultes, où même ceux qui en appelaient à la légalité étaient forcés de reconnaître les faits, et qui à Londres fit une profonde impression, le président Merlin lança cette suprême insulte : la mémoire d’un assassin ! et l’agité Gaveau ajouta : c’est au bagne qu’il faut envoyer un pareil manifeste.

» Tout cela, dit encore Merlin, ne répond pas aux actes pour lequel vous êtes ici.

» Ferré, en termina d’un mot : Cela signifie, dit-il, que j’accepte le sort qui m’est fait.

» La Commune était glorifiée, mais Ferré était perdu.

L’avocat voulant prendre acte des paroles de Merlin : La mémoire d’un assassin, l’auditoire hurla et Merlin insolent répondit : — Je me suis servi de l’expression dont parle le défenseur, le conseil vous donne acte de ses conclusions. »

Mais Ferré ne voulait pas discuter sa vie.

Jourde, sans sa prodigieuse mémoire, eût passé à cause de son épouvantable honnêteté, au sujet de la banque pour un voleur. On avait enlevé ses comptes, il les rétablit de mémoire avec une clarté qui aurait dû couvrir de honte le tribunal.