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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/355

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Que la nuit soit sans fin et que le jour s’achève :
On compte par hivers chez les froids trépassés.

Le no 2182.

L’hiver, dans les sentiers du jardin, sous les sapins verts, sonnaient tristement les sabots, aux pieds fatigués des prisonnières, ils frappaient en cadence la terre gelée, tandis que la file silencieuse passait lentement.

L’hiver est rude dans cette contrée, la neige épaisse, les branches qu’elle alourdit s’inclinent vers le sol, pareilles à des rameaux de pierre.

Dans la vaste salle, où nous étions ensemble, les prisonnières de la Commune venaient peu à peu de toutes les prisons où elles avaient été transférées, après leur jugement ; celles qui vaillamment avaient combattu, d’autres qui avaient fait peu de chose ; madame Lemel, Poirier, Excoffons, Maria Boire, madame Goulé, madame Deletras et autres ne se plaignaient pas, ayant servi la Commune.

Madame Richoux ne se plaignait pas non plus, mais sa condamnation était inique.

Voici ce qu’elle avait fait : une barricade place Saint-Sulpice, était si peu haute, qu’elle servait plutôt contre, que pour les combattants ; elle, avec son calme de femme bien élevée, prise de pitié, s’en alla tout simplement hausser et faire hausser la barricade avec tout ce qui se pouvait ; une boutique de statues pour les églises, était ouverte je ne sais pourquoi ; elle fit porter en guise de pavés, qui manquaient, les saints, d’assez de poids, pour cela ; on l’avait arrêtée, très bien vêtue, gantée, prête à sortir de chez elle, elle sortit en effet pour ne rentrer qu’après l’amnistie.

— C’est vous qui avez fait porter sur la barricade les statues des saints ?

— Mais certainement, dit-elle, les statues étaient de pierre et ceux qui mouraient étaient de chair.