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les sont grandes et sonores, l’aspect est celui d’une demeure de rêve hantée des morts.

La Danaé était partie en mai 72, la Guerrière, la Garonne, le Var étaient partis ; la Sibylle, l’Orne, le Calvados ; nous n’avions pas encore l’ordre du départ.

Nous attendions, laissant les événements disposer de notre destinée ; calmes, comme ceux qui ont vu la mort d’une ville, sans cesser de sentir l’idée vivante.

Quelques vers, restes de cette époque, expriment les impressions d’alors :

hiver et nuit
Centrale d’Auberive, 28 novembre 1872


Soufflez, ô vents d’hiver, tombe toujours, ô neige,
On est plus près des morts sous les linceuls glacés.
Que la nuit soit sans fin et que le jour s’abrège :
On compte par hivers sur les froids trépassés.


J’aime sous les sombres nuées,
Ô sapins, vos sombres concerts,
Vos branches du vent remuées
Comme des harpes dans les airs.
Ceux qui sont descendus dans l’ombre
Vers nous ne reviendront jamais.
D’hier ou bien de jours sans nombre
Ils dorment dans la grande paix.


Quand donc, comme on roule un suaire
Aux morts pour les mettre au tombeau,
Sur nous tous verra-t-on notre ère
Se replier comme un manteau ?
Pareil au grain qui devient gerbe,
Sur le sol arrosé de sang,
L’avenir grandira superbe
Sous le rouge soleil levant.


Soufflez, ô vents d’hiver, tombe toujours, ô neige,
On est plus près des morts sous tes linceuls glacés.