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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/370

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Ceux qui mouraient là-bas avaient pour les accompagner le long cortège des déportés, vêtus de toile blanche, ayant à la boutonnière une fleur rouge de cotonnier sauvage, qui ressemble à de l’immortelle ; ce défilé, par les chemins de la montagne, était vraiment beau.

Le cimetière était déjà peuplé et fleuri ; sur le tertre de Passedouet étaient des couronnes venues de France.

Sur celui qui recouvre un petit enfant, Théophile Place, croît un eucalyptus. Il y avait pendant la déportation des fleurs sur toutes les tombes ; un suicidé, Meuriot, dort sous le niaouli.

Le premier qui était mort s’appelait Beuret, le cimetière garda son nom ; la baie de l’Ouest a gardé celui de baie Gentelet, du premier qui y bâtit son gourbi.

La ville de Numbo, qui faisait penser à la ville de Troie, se bâtissait peu à peu, chaque nouvel arrivant y ajoutant sa case de briques de terre séchées au soleil.

Numbo dans la vallée avait la forme d’un C dont la pointe Est était la prison, la poste, la cantine ; la pointe Ouest, une forêt dont l’avancée sur de petits mamelons était couverte de plantes marines, en train de se faire terrestres ; la transformation avait pu s’accomplir grâce aux flots qui les baignaient de temps à autre. Au milieu du C, c’était la ville s’adossant à une hauteur à l’extrémité de laquelle était la forêt Nord ; sur la route demeurait la famille Dubos.

L’hospice dominait les maisons, placé au-dessus de deux baraques en planches face à face l’une de l’autre ; l’une était pour les femmes, l’autre n’avait pas encore de destination.

Je lui en trouvai une, en y réunissant quelques jeunes gens à qui Verdure avait commencé à donner des leçons ; certains avaient des aptitudes réelles : Sénéchal, Mousseau, Meuriot, qui tout à coup fut pris de nostalgie et voulut mourir, étaient des poètes.