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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/398

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Chaque tribu qui y avait consenti avait son feu dans un immense champ qui les réunissait tous. La tribu d’Ataï décimée avait aussi son feu, mais lorsque commença la danse, les survivants, cinq ou six montèrent sur le foyer, l’éteignirent avec leurs pieds en signe de deuil.

Le pilon est étrange surtout quand tous sur une seule file passent à travers le feu. Mais cette circonstance fut vraiment grande. Les autres consentirent à donner à la tribu en deuil ce que nous avions pour eux tous.

Peu après, on avertit pour les derniers bateaux, l’amnistie était faite. J’appris en même temps que ma mère avait eu une attaque de paralysie. Avec mes leçons et les cent francs par mois que j’avais pour les écoles, il m’avait été possible de recueillir une centaine de francs, cela me servit à prendre le courrier jusqu’à Sydney afin d’arriver plus vite et de la voir encore.

Avant mon départ de Nouméa et prenant le courrier sur le rivage je trouvai la fourmilière noire des Canaques. Comme je ne croyais pas à l’amnistie si proche, je devais aller fonder une école dans les tribus ; ils me le rappelaient avec amertume en disant : toi viendras plus ! Alors, sans avoir l’intention de les tromper, je leur dis : si, je reviendrai.

Tant que je pus la voir du courrier, je regardai la fourmilière noire sur le rivage et moi aussi je pleurais (Qui sait si je ne les reverrai pas ?) Voilà comment je vis Sydney avec son port si magnifique de grandeur, que je ne crois pas avoir encore rien vu d’aussi splendide. Des rochers de granit rose pareils à des tours géantes laissant entre eux une porte comme pour les Titans, comme à Nouméa, comme à Rome, sept collines bleu pâle sous le ciel. On ne peut se lasser de regarder tant c’est un magique décor.