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Page:Mikhaël-Lazare - La Fiancée de Corinthe, 1888.djvu/49

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Manticlès

Que de fois sur les trirèmes errantes, à l’heure où tu reposais en ton lit d’ivoire j’ai crié ton nom au vent de la mer et tu ne m’as pas répondu !

Apollonia

Les temps n’étaient pas venus. Aujourd’hui, quand tu serais plus loin que les colonnes d’Héraklès, je t’entendrais.

Manticlès

Ne pensons plus aux épreuves passées. Je veux effacer sous tes baisers la mémoire des jours mauvais. Mes mains sont encore endolories par les rames, mes épaules sont encore meurtries par le fouet, et cependant il me semble que mes souffrances sont un songe frivole, maintenant que je sens sur moi la caresse de ton haleine. Je veux, ainsi qu’autrefois, t’étreindre dans mes bras. Je veux tes lèvres sur mes lèvres.

(Il s’avance vers Apollonia, les bras ouverts. Apollonia l’arrête d’un geste.)
Apollonia

Mes lèvres sont trop froides pour répondre aux baisers.

Manticlès, la regardant.

Comme tu es pâle ! (Lui prenant la main.) Ta main est glacée !…

Apollonia

J’ai pâli loin du soleil, et l’hiver est éternel dans les ténébreuses cellules où l’on m’a descendue.