« Maintenant, dit le mécanicien, faut essayer votre langue. Faites comme si vous vouliez souffler très fort. »
Dubois se remplit les poumons et, se tenant le ventre à deux mains, il souffle, et ça fait un bruit qui fait :
« Tartaïfle !
— Soufflez encore.
— Tartaïfle ! tartaïfle ! tartaïfle !
— La langue est un peu sèche, faut y mettre une goutte d’huile de pied de bœuf et ça ira, » dit le mécanicien.
On met une goutte d’huile de pied de bœuf sur la langue : voilà Dubois qui se met à parler :
« Ponchour, mes gônmrates ! Gôment fus bordez-fus ?…
— Pour ça, dit le régiment, comment donc qu’il a un accent allemand si fort, lui qui est Picard ? »
Le chirurgien se gratta la tête :
« Ah ! animal que je suis ! n’avoir pas pensé à ça ! Pardi ! c’est bien clair, pourquoi il a l’accent allemand et même qu’il ne le perdra jamais : comment voulez-vous qu’une tête de sapin de la Forêt Noire n’ait pas l’accent allemand ! C’est incurable.
— Allons, mon cher, dit le régiment à Dubois, faut t’en consoler, on a fait pour le mieux. Viens boire un coup. »
On le mène à la cantine ; il boit plus d’un coup, se grise ; on le rapporte ivre-mort.
Le lendemain, on lui peint à l’huile le visage, on lui met une perruque ; il reprend son service…