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Page:Mille - Anthologie des humoristes français contemporains, 1920.djvu/75

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LOUIS DESNOYERS

l’humanité souffrante. Gardez votre argent, messieurs et dames ; gardez-le ! je n’en veux point ; je ne veux que le remboursement pur et simple de mes avances ; voilà tout. Je n’ai pas besoin d’argent, moi ; je puis même en prêter. Qui est-ce qui veut que je lui prête de l’argent ? Il n’a qu’à passer au bureau ; ce sera sans intérêt.

(Témoignage de reconnaissance. Quelques personnes, plus sensibles que les autres, se prennent à verser des larmes d’attendrissement.)

« Mais, me direz-vous, à combien donc ton élixir de Mathusalem ?

« Je réponds à cela que je ne vends pas mon élixir. Non, messieurs, je le donne. Ce n’est rien pour le contenu : c’est seulement deux sous pour la fiole. Deux sous, pas davantage ! C’est six francs de moins que ça ne me coûte à moi-même. Enfin, n’importe ! Ô humanité souffrante ! que ne ferais-je pas pour te secourir !…

(L’attendrissement devient universel.)

« Mais, dois-je vous le dire ?… vous avez de plus, par-dessus le marché (en donnant deux sous de plus), un recueil de secrets importants, tirés du Grand Albert, pour toutes les circonstances de la vie, y compris les démarches à faire pour se marier ; la liste des formalités à remplir pour s’exempter de la conscription, quand on est sourd, bossu, aveugle, paralytique ou défunt ; et enfin la véritable manière de confectionner les cerises à l’eau-de-vie, et de mettre sa cravate d’une manière un peu chouette.

« Vous avez de plus, par-dessus le marché (en donnant deux sous de plus), un recueil de douze complaintes sur les plus jolis assassinats de cette année, avec des airs nouveaux, très faciles à chanter, pour égayer l’honorable société où l’on se trouve.