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Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/201

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duite par son céleste Créateur (quoique invisible) et guidée par sa voix. Elle n’était pas ignorante de la nuptiale sainteté et des rites du mariage : la grâce était dans tous ses pas, le ciel dans ses yeux ; dans chacun de ses mouvements, la dignité et l’amour. Transporté de joie, je ne pus m’empêcher de m’écrier à voix haute :

« — Cette fois tu m’as dédommagé ! tu as rempli ta promesse, Créateur généreux et plein de bénignité, donateur de toutes les choses belles ; mais celui-ci est le plus beau de tous tes présents ! et tu ne me l’as pas envié. Je vois maintenant l’os de mes os, la chair de ma chair, moi-même devant moi. La femme est son nom ; son nom est tiré de l’homme : c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils seront une chair, un cœur, une âme. » —

« Ma compagne m’entendit : et quoique divinement amenée, cependant l’innocence, et la modestie virginale, sa vertu, et la conscience de son prix (prix qui doit être imploré, et ne doit pas être accordé sans être recherché, qui ne s’offrant pas, ne se livrant pas de lui-même, est d’autant plus désirable qu’il est plus retiré), pour tout dire enfin, la nature elle-même (quoique pure de pensée pécheresse) agit tellement en elle, qu’en me voyant elle se détourna. Je la suivis ; elle connut ce que c’était qu’honneur, et avec une condescendante majesté elle approuva mes raisons alléguées. Je la conduisis au berceau nuptial rougissante comme le matin : tout le ciel et les constellations fortunées, versèrent sur cette heure leur influence la plus choisie ; la terre et ses collines donnèrent un signe de congratulation ; les oiseaux furent joyeux ; les fraîches brises, les vents légers murmurèrent cette union dans les bois, et leurs ailes en se jouant nous jetèrent des roses, nous jetèrent les parfums du buisson embaumé, jusqu’à ce que l’amoureux oiseau de la nuit chantât les noces, et ordonna à l’étoile du soir de hâter ses pas sur le sommet de sa colline, pour allumer le flambeau nuptial.

« Ainsi je t’ai raconté toute ma condition, et j’ai amené mon