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Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/196

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rine de grès, pleine de soupe, quelquefois de soupe froide de la veille, la pensée que la Duguette, les yeux luisants, les joues allumées, se gavait gaiement de tripes et de fricassées, le mettait en rage et il se disait : « A s’fout d’ça ! Mais ça n’peut point durer, non ça n’peut point durer ! » Il rêvait alors de s’en aller très loin, de « tout planter là », de recommencer, seul, une existence nouvelle de labeurs, entrevoyait la possibilité de « dirvocer ». Ah ! pourquoi s’était-il marié ? À quoi cela lui avait-il servi de prendre une femme, sinon à l’abreuver d’ennuis et de peines ? Les jours où la mère Dugué consentait à rester à la maison, il partait, dès l’aube, avec une croûte de pain en sa besace, et jusqu’à la nuit, dans la sapaie, il rôdait, sous prétexte de ramasser du bois mort.

Les années et les années passaient sur les trois événements importants de sa vie, la mort du beau-père, le départ de son fils, le mariage de sa fille, sans en effacer les souvenirs chagrinants et il continuait d’en par-