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Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/371

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d’un livre, soit même qu’elles voltigeassent, comme des ailes, sur les touches du piano. J’ai lu quelque part que, bien souvent, l’âme, la pensée, l’intelligence des hommes se réfugient dans leurs mains ; c’est là qu’est leur cœur, leur cerveau. Vous allez me prendre pour un fou, mais sérieusement, je pensai que l’âme de ma fiancée, son esprit, sa bonté, sa beauté résidaient en ses mains, et elle en fut aussitôt tout illuminée et pour ainsi dire transfigurée. J’oubliai ses imperfections et ses hideurs. D’abord, je ne regardais jamais son visage, je ne voyais que ses mains. Ce n’était pas dans ses yeux que je cherchais à surprendre une émotion, un élan d’amour, une prière ; c’était dans ses mains qui, tour à tour, avaient des agilités d’oiseau, des gravités de sainte, des troubles d’amante, des dévouements d’épouse. Je lui donnai, un jour, une petite bague formée de deux perles blanches : et ces deux perles me faisaient l’effet de deux larmes, ces larmes de